Dans quelques semaines, nous tournerons déjà la page sur 2024. Cette courte période qui nous sépare d’une nouvelle année est un bon moment pour envisager certaines options qui pourraient avoir des retombées financières importantes dans le futur, notamment du point de vue fiscal.
Voici donc huit sujets que vous voudrez peut-être aborder avec votre conseiller en cette fin d’année.
1. Nouveau taux d’inclusion des gains en capital
La décision du gouvernement fédéral de hausser le taux d’inclusion des gains en capital est sans doute la mesure fiscale qui a fait le plus parler cette année. Il est important de noter que les modalités d’application de ce changement, entré en vigueur le 25 juin, ont fait l’objet de précisions dans les mois suivants. En outre, des experts estiment que son sort pourrait être incertain advenant le déclenchement d’élections anticipées, parce que la mesure, au moment où ces lignes sont écrites, n’a pas encore été officialisée par l’adoption d’un projet de loi. Voici néanmoins les principes généraux à connaître.
Avant le 25 juin dernier, seule la moitié d’un gain en capital réalisé dans un compte imposable devait être incluse dans votre revenu. L’autre moitié était libre d’impôt. Depuis le 25 juin, ce taux d’inclusion est passé de 50% à 66,6% (plus précisément, d’une demie à deux tiers) : c’est donc seulement le tiers du gain qui est désormais libre d’impôt. Précision importante : si vous réalisez le gain à titre personnel, les premiers 250 000 $ de gains en capital réalisés au cours d’une année continuent de profiter du taux de 50 %. Mais si vous les réalisez dans votre entreprise, le taux de 66,6% s’applique dès le premier dollar.
Le tableau suivant illustre la différence en impôts pour un gain en capital de 400 000 $ que vous auriez réalisé en vendant une propriété à revenus, une résidence secondaire ou d’autres actifs imposables importants, en 2023, et le même gain réalisé en 2024. Pour les fins de l’exemple, on suppose un taux marginal d’imposition de 50%.
Pour un propriétaire d’entreprise, la différence est plus notable, comme on peut le voir ici.
Cette nouvelle réalité pourrait vous amener à envisager différentes stratégies pour réduire le montant des gains en capital imposables que vous réalisez chaque année. Si vous êtes propriétaire d’une entreprise, tout particulièrement, vous pourriez vous efforcer de réaliser davantage de gains à titre personnel que dans votre entreprise, ou encore considérer des solutions de placement qui génèrent peu ou pas de gains en capital imposables chaque année, comme une assurance vie, certaines catégories de fonds communs de placement, ou encore un régime de retraite individuel (RRI).
Assurez-vous donc d’en discuter avec votre conseiller.
2. Une autre raison de bien planifier : les revenus passifs
Les propriétaires d’entreprise ont une autre raison d’analyser attentivement les placements (ou « revenus passifs ») qu’ils effectuent à même leur société. Depuis 2018, en effet, tous les revenus passifs de plus de 50 000 $ par année réalisés par une entreprise viennent réduire graduellement son admissibilité au « petit taux » d’imposition des PME (appelé « déduction pour petite entreprise »). En principe, ce taux avantageux s’applique sur les premiers 500 000 $ de bénéfices (ou « revenus actifs ») de la compagnie. Cependant, comme on peut le voir dans le diagramme suivant, si celle-ci a des revenus passifs de plus de 50 000 $, la portion de ses bénéfices admissible au petit taux diminue, voire disparaît au-delà de 150 000 $ de revenus passifs.
En conséquence, si vous êtes dans une position similaire à celle de l’entrepreneur de notre exemple précédent, vous devez savoir que non seulement les 2/3 de votre gain de 400 000 $ seront désormais imposés, mais aussi que ce gain fera en sorte que vous serez imposé à environ 26 % sur votre bénéfice d’exploitation, plutôt qu’à environ 12 % (les chiffres exacts varient selon la province).
Une autre bonne raison d’obtenir des conseils éclairés.
3. Plus facile d’acheter une propriété… plus dispendieuse
L’année 2024 a apporté son lot de nouveautés pour les particuliers qui souhaitent devenir propriétaires. D’abord, les acheteurs d’une première maison peuvent désormais retirer jusqu’à 60 000 $ de leur régime enregistré d’épargne-retraite (REER), pour les utiliser à titre de mise de fonds en vertu du régime d’accession à la propriété (RAP). La limite précédente était de 35 000 $. Ils disposent aussi, sous certaines conditions, d’une période plus longue avant de commencer à rembourser leur REER. Pour plus de renseignements à ce sujet, consultez cet article.
Ensuite, l’admissibilité aux hypothèques de 30 ans, qui était limitée aux personnes avec une mise de fonds d’au moins 20 %, est désormais offerte aux acheteurs d’une première résidence dont la mise de fonds est inférieure à 20 %. En bénéficiant d’une période plus longue pour rembourser leur emprunt, ils pourront réduire le montant de leurs remboursements périodiques.
Enfin, la valeur d’une propriété que l’on peut acheter avec une mise de fonds de moins de 20 % (en souscrivant une assurance auprès de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, la SCHL) est désormais de 1,5 million de dollars. Elle était auparavant de 1 million de dollars.
L’ensemble de ces mesures vise à faciliter l’achat d’une première propriété, en particulier dans les marchés où les prix sont très élevés. Cependant, cela ne signifie pas que les propriétés sont plus abordables. Le diagramme ci-dessous illustre le cas d’un ménage qui disposerait de 200 000 $ pour constituer sa mise de fonds. Dans le premier scénario, le couple achète sa propriété selon les anciennes règles et verse donc une mise de fonds de 20 % sur une propriété de 1 million de dollars, avec une hypothèque non assurée de 25 ans. Dans le deuxième scénario, le couple profite des nouvelles règles pour souscrire une hypothèque assurée de 30 ans à l’achat d’une propriété de 1,5 million. Comme on peut le voir, après cinq ans, le montant des intérêts payés et le solde à rembourser sont beaucoup plus élevés dans le deuxième scénario. Pour d’autres exemples de calculs, consultez cet article.
Si vous envisagez l’achat d’une propriété, il serait donc important de faire plusieurs projections différentes. Vous voudrez sans doute vous informer aussi sur l’utilisation d’un autre outil conçu pour faciliter l’achat d’une première maison, le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP). Pour plus de détails à ce sujet, consultez cet article. Et pour une comparaison du RAP et du CELIAPP, visionnez cette vidéo.
4. Si vous souhaitez utiliser le RAP
Si votre choix se pose sur le régime d’accession à la propriété pour l’achat de votre première propriété, sachez que vous aurez jusqu’au 1er octobre de l’année suivant l’ouverture de votre RAP pour acheter ou construire votre résidence. Si vous êtes sur le point de passer au RAP, il pourrait donc être intéressant d’attendre quelques semaines avant de procéder. En effet, en ouvrant votre RAP au début de 2025, vous aurez jusqu’au 1er octobre 2026 pour compléter votre projet. Mais si vous l’ouvrez avant la fin de 2024, vous devrez le compléter au plus tard le 1er octobre prochain. Comme l’achat ou la construction d’une propriété comporte bon nombre d’imprévus, vous pourriez apprécier cette marge de manœuvre additionnelle.
5. Attention aux distributions de fin d’année
Si vous possédez des fonds communs de placement* dans un compte imposable, vous recevrez peut-être, au début de 2025, des relevés fiscaux faisant état de revenus de placement imposables, et ce, même si vous n’avez fait aucune vente. Plusieurs fonds communs de placement, en effet, versent à leurs investisseurs, en fin d’année, les revenus d’intérêt, les dividendes et les gains en capital qu’ils ont réalisés en cours d’exercice. La logique derrière ces « distributions » est qu’il est généralement préférable, du point de vue fiscal, que ces revenus soient imposés entre les mains de l’investisseur plutôt qu’entre celles du fonds lui-même. Ces versements se font sous la forme de parts additionnelles, au prorata des parts détenues, sans égard au moment de l’achat. C’est pourquoi, si vous envisagez d’investir dans un fonds commun de placement d’ici la fin de l’année, vous voudrez peut-être voir avec votre conseiller s’il ne serait pas souhaitable de reporter votre achat de quelques semaines pour éviter de payer de l’impôt sur un placement que vous venez tout juste d’effectuer. Pour ce qui est des fonds que vous détenez déjà et qui distribueront des gains en capital importants en fin d’année, ce pourrait être une bonne idée de compenser ces gains en utilisant des pertes en capital réalisées sur d’autres placements.
Ce qui nous amène au point suivant.
6. Les perdants seront les gagnants
Un portefeuille de placement comporte généralement des titres qui ont pris de la valeur et d’autres qui en ont perdu. Cette réalité permet d’envisager une stratégie fiscale souvent avantageuse en fin d’année : la vente à perte à des fins fiscales. Cette approche consiste à vendre des placements qui permettent de réaliser des pertes en capital, de façon à appliquer celles-ci contre des gains en capital réalisés lors de la même année ou lors des trois années antérieures. On peut ainsi utiliser ses pertes pour réduire sa facture d’impôt.
Une précaution s’impose, cependant : si vous planifiez de vendre un placement, de réaliser votre perte et de racheter immédiatement le même placement en raison de son potentiel, sachez qu’il s’agirait de « pertes apparentes », et que celles-ci sont proscrites par la loi. En outre, il faut savoir que cette stratégie n’est pertinente que dans un compte imposable. Pour les placements que vous détenez dans un compte enregistré comme un REER, un compte d’épargne libre d’impôt (CELI), un CELIAPP ou un régime enregistré d’épargne-études (REEE), elle ne s’applique pas. Pour connaître les règles qui encadrent les ventes à perte à des fins fiscales, consultez votre conseiller.
7. Déjà 71 ans?
Si vous avez atteint ou allez atteindre vos 71 ans cette année, le temps est venu de prendre des décisions importantes pour vos revenus de retraite : vous devez en effet convertir votre régime enregistré d’épargne-retraite (REER) en un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) ou en une rente avant le 31 décembre. Alors que le REER était un véhicule d’accumulation d’épargne, le FERR et la rente sont des véhicules de décaissement, et ils sont assortis de retraits annuels minimums. De la même façon, si vous détenez un compte de retraite immobilisé (CRI), celui-ci doit également être converti en un véhicule de décaissement, rente ou fonds de revenu viager (FRV), lequel comportera lui aussi des retraits annuels minimums. Pour plus de détails sur les rentes, consultez cet article.
Par ailleurs, vous avez également jusqu’au 31 décembre pour effectuer une dernière cotisation à votre REER, si votre marge de cotisation vous le permet. Vous pourrez ainsi déduire ce montant de vos revenus de 2024 et réduire votre facture d’impôt.
8. Le temps de redonner
Enfin, en cette fin d’année, peut-être êtes-vous sollicité par des organismes de charité qui comptent sur les dons de bienfaisance pour accomplir leur mission. À ce sujet, notez qu’un don fait en 2024 à un organisme de bienfaisance qui vous remettra un reçu admissible vous permettra de demander une déduction d’impôt sur votre prochaine déclaration de revenus. Au fédéral, le crédit d’impôt est de 15% pour les sommes sous les 200$ et de 29% pour les sommes au-delà, à certaines conditions. À cela s’ajoutent des crédits d’impôt provinciaux qui peuvent augmenter l’économie d’impôt totale procurée par un don.
Cependant, si vous disposez de fonds importants que vous souhaitez consacrer à des œuvres de bienfaisance, pourquoi ne pas vous doter d’une véritable stratégie de dons planifiés qui, faisant appel à des leviers fiscaux additionnels, pourrait optimiser l’effet de vos dons? Consultez votre conseiller, qui pourra vous proposer quelques façons de procéder, notamment en tirant avantage de dons sous la forme de titres de placement admissibles ou de polices d’assurance vie.
Ces huit rappels ne sont qu’un survol des nombreuses décisions financières et fiscales que vous pourriez avoir intérêt à envisager avant la fin de l’année. Pour une étude détaillée des décisions qui s’appliquent spécifiquement à votre situation, encore une fois, un seul et même point de départ : votre conseiller!
* Les fonds communs de placement sont offerts par l’entremise de représentants en épargne collective rattachés à SFL Placements, Cabinet de services financiers.
Les sources suivantes ont été utilisées dans la rédaction de cet article.
Desjardins, « Régime enregistré d’épargne-retraite (REER) ».
Gouvernement du Canada, « Taux d’inclusion des gains en capital » ; « Dates importantes pour REER, RAP, REEP, CELIAPP et plus » ; « Le traitement fiscal des fonds communs de placement pour les particuliers » ; « Options pour vos REER lorsque vous atteignez 71 ans ».
Gérez mieux votre argent, « Calculatrice des versements hypothécaires ».
H&R Block, « Les dons de bienfaisance et vos impôts ».
Investment Executive, « Liberals announce expansion to mortgage eligibility » ; « Feds’ mortgage policy needs action on supply too: report ».
Investopedia, « Distribution: Definition in Finance, Types, and Examples ».
La Presse, « La chute de Trudeau annulerait la hausse » ; « Plus facile d’avoir une hypothèque sur 30 ans ».
Les affaires, « Le pour et le contre des ventes à perte à des fins fiscales ».
SFL, « 10 points à retenir du budget fédéral 2024-2025 » ; « Qu’est-ce que le revenu passif? » ; « Deux outils précieux pour vous aider à acheter une première propriété » ; « Une assurance vie comme investissement? » ; « Du nouveau pour les acheteurs d’une première maison » ; « Le régime de retraite individuel : un outil d’épargne conçu pour les entrepreneurs » ; « Une rente : pour des revenus de retraite garantis ».
TaxTips, « 2024 Corporate Income Tax Rates ».